- Meg ? Qu'est-ce qui se passe ? me demanda-t-il, de la déception dans la voix.
Mon petit numéro au téléphone n'avait pas dû marcher, et il avait dû décider de rentrer quand même pour parler, sans doute, de nos problèmes de couple. Je pensai que Luca devait être parfaitement immobile sur le canapé, pour que Yohann n'ait toujours pas remarqué sa présence.
- Lyne n'est pas là ? commença-t-il. Elle ne –
Sa phrase restée en suspens, je relevai les yeux pour voir son regard fixé par-dessus mon épaule. Sa bouche était légèrement entrouverte et ses yeux... Ses yeux étaient écarquillés et reflétaient des émotions intenses et terribles. J'aurais pu énoncer ses pensées à sa place tant elles étaient visibles sur son visage. Tout en ne détachant pas son regard de Luca, sa main se resserra progressivement sur mon épaule, au point que cela devint vite douloureux. Empoignant son bras de mes deux mains, je tentai de me libérer de son étreinte, lui criant avec colère qu'il me faisait mal, mais je n'eus pas le temps de finir ma phrase que Luca était déjà à mes côtés, arrachant le bras de Yohann de mon épaule avant de le pousser avec violence. Il se plaça devant moi, protecteur, et les deux hommes se firent face sans un mot, se fusillant du regard. L'air pesait lourd, on les sentait tous deux prêts à bondir, tels des prédateurs, se battant jusqu'à ce que l'un des deux succombe. Mais, après un moment qui me parût une éternité, Yohann se tourna vers moi avec un regard désespéré.
- Qu'est-ce que... Comment tu... ? bafouilla-t-il, la voix cassée. Comment tu peux me faire ça ? Comment tu peux TE faire ça ? Tu te rappelles plus ce que t'as vécu ? T'as déjà oublié ? Tu veux que je te le rappelle, peut-être ? Parce que j'ai pas oublié, moi, je m'en souviens très bien. Et tu sais pourquoi ? Parce que c'est MOI qui ait pris soin de toi quand tu te laissais crever. C'est MOI qui t'ait fait remonter la pente, qui était là tous les jours et toutes les nuits pour veiller sur toi, quand tu disjonctais sans aucune raison. C'est MOI qui te surveillais pour pas que tu t'ouvres les veines. Et tout ça à cause de quoi ? Lui, dit-il avec dédain en direction de Luca. Et malgré tout, avec qui tu vas ? Avec... lui, lâcha-t-il dans un soupir incrédule. C'est... impossible. Je peux juste PAS y croire, cracha-t-il.
Je baissai les yeux, incapable de répondre. Son argumentation tenait la route, si l'on se plaçait d'un point de vue objectif. Cependant, ce n'était pas le cas, et nous nous retrouvions dans le schéma habituel : Luca et moi ensemble mais seuls au monde. Personne ne pouvait comprendre.
- Je t'ai pas donné assez d'amour, Meg ? J'ai pas assez fait mes preuves ? dit-il en montant le ton peu à peu. Faut quoi, pour ça, que je te traite comme de la merde, comme lui le fait depuis toujours ? Parce que ça a l'air de marcher !
En temps normal, je ne l'aurais pas laisser prononcer ces mots sans réagir. Mais là... Je comprenais sa colère, et elle était justifiée, bien qu'il soit dans l'erreur. J'étais incapable de le regarder dans les yeux. J'avais tellement honte. Pas de mes sentiments, bien sûr – je ne remettait pas en question ce qui était inévitable entre Luca et moi – mais de mes agissements, et du fait qu'il apprenne comme ça le nouveau tournant que prenait ma vie. Yohann avait beaucoup donné, pour moi, et voilà tout ce que j'avais trouvé pour le remercier. Levant difficilement les yeux vers lui, je fus choquée par la douleur apparente sur son visage. Je lui avais vraiment fait mal. Très mal. Incapable de prononcer un autre mot, je soufflais un « Désolée » à peine audible qui lui fit secouer la tête. Passant automatiquement à l'anglais, Yohann se tourna vers Luca, crachant ses paroles.
- Tu lui fais quoi, à chaque fois, pour qu'elle te retombe dans les bras ? Pourquoi tu t'acharnes, tu peux pas te rabattre sur une autre, non, il faut que tu reviennes la chercher alors qu'elle finit enfin par aller mieux ? Est-ce que t'as au moins conscience du mal que tu lui as fait !
Il lâcha un rire amer avant de poursuivre.
- Non, bien sûr que non. Comment tu pourrais le savoir ? C'est pas toi qui était la pour la ramasser à la petite cuillère. Comme si t'en avais eu quelque chose à foutre.
Luca inspira à fond, cherchant sans doute à rester calme avant de répondre :
- Avec tout le respect que je te dois pour avoir pris soin d'elle quand... j'étais pas là, tu ne sais pas de quoi tu parles, Yohann. Tu ne me connais pas, tu ne sais pas ce qu'il s'est passé. J'ai pas besoin de toi pour me juger, j'ai déjà eu suffisamment de mal à vivre avec moi-même ces dernières années.
Yohann le regarda avec un air de dégout.
- Tu veux que je pleure avec toi, peut-être, que je m'apitoie sur ton sort ? C'est comme ça que tu l'as repêchée, en te faisant passer pour la victime, poursuivit-il, incrédule.
- Yohann, m'interposai-je sèchement malgré la culpabilité qui m'envahissait, je suis pas une poupée sans cervelle, arrête de parler de moi comme d'un objet que vous vous disputez.
Il me regarda avec mépris, et levant les yeux vers Luca, je vis que celui-ci avait les lèvres serrées, se retenant d'intervenir ou même de répondre aux attaques de Yohann.
- Non mais... tenta de poursuivre ce dernier. Megan. Comment veux-tu que je te traite comme une personne sensée quand je te vois foutre ta vie en l'air encore, et encore, et encore... Et toujours à cause de lui ! T'agis comme une petite conne écervelée, on dirait une idiote de préadolescente qui se croit amoureuse alors qu'elle ne connait rien de l'amour, et qui a pas encore compris que celui dont elle se croit amoureuse n'en a rien à foutre d'elle. Grandis, bordel, ouvre les yeux ! T'attends quoi pour te réveiller ? Qu'il te quitte à nouveau pour des pouffiasses londoniennes ? Et tu feras quoi, à ce moment là ? Je serai plus là pour t'empêcher de crever, Megan.
Luca avait pris ma main dans la sienne et la serrait fort. Pas assez pour me faire mal, mais me faisant tout de même comprendre qu'il se retenait réellement d'agir. Yohann avait été trop loin, aussi bien vis-à-vis de Luca qu'à mon égard. Sans ciller, je plongeai froidement mon regard dans celui de Yohann, et lâchai d'un trait :
- Ce n'est pas parce que je ne t'ai pas choisi que tu as le droit de m'insulter, aussi mal que ça te fasse de réaliser que Luca a toujours eu et aura toujours la première place dans mon c½ur.
Sans détacher ses yeux des miens, Yohann perdit toute couleur, et je vis que ses mains avaient commencé à trembler. Ses mâchoires se resserrèrent si fort que les muscles de celles-ci saillirent, et sa respiration se fit plus lourde. Et, sans que qui que ce soit ait le temps de réagir, il m'assena la gifle la plus violente qui m'ait jamais été donnée, ce qui m'envoya valser contre le mur avant que je ne m'écrase par terre. Sous le choc, je posai ma main sur ma joue brûlante, n'arrivant pas à croire au geste qu'il venait d'avoir. Il y eut un moment de flottement où tout le monde, Yohann y compris, sembla ne pas comprendre ce qui se passait. Mais un moment, seulement, car à peine eu-je le temps de lâcher un soupir de choc que Luca s'était jeté sur Yohann avec violence, l'entraînant dans le couloir. Tellement saisie que je n'eus pas tout de suite le réflexe de me relever, j'entendis depuis le couloir et malgré le sifflement dans mes oreilles l'écho de bruits sourds de coups et toutes sortes d'insultes plus violentes les unes que les autres résonner au son de leurs voix. Le tintement de mon nom qui émergea plusieurs fois de la marée d'injures et de phrases meurtrières me ramena cependant à la réalité, et je pris conscience de ce qui se passait. Je me levai rapidement et dû me rattraper au mur tant l'action fit tourner ma tête, puis m'élançai tant bien que mal dans le couloir. La vision que j'y eu me coupa en plein élan. Les deux hommes étaient ensanglantés, tous deux se cognaient, se projetaient violemment contre les murs en hurlant, s'attrapaient à la gorge. On aurait dit deux bêtes enragées, et leur violence m'horrifia autant qu'elle réveilla en moi un instinct protecteur. S'ils continuaient, cela allait très mal finir. Sans vraiment réfléchir, je m'élançai vers eux et, leur hurlant d'arrêter, je tentai de m'interposer, espérant qu'ils arrêteraient de se cogner par peur de m'atteindre. Malheureusement, ils m'éjectèrent bien rapidement, continuant leur tuerie. J'étais affolée, je ne savais pas quoi faire. N'ayant d'autre option, je tambourinai à la porte d'un appartement proche du mien – je savais que trois étudiants avec qui j'avais une relation amicale y vivaient en collocation, et espérait qu'ils pourraient m'aider à faire quelque chose. L'un d'eux m'ouvrit et, alerté par les cris de mes deux hommes, comprit immédiatement et appela ses deux amis pour venir l'aider. Ils se précipitèrent et, évitant les coups incontrôlés, finirent par les empoigner pour enfin les séparer avec difficulté. Bien qu'à distance, Yohann et Luca continuaient de se cracher au visage des insultes assassines. Mes trois voisins tentaient de les calmer, essayant de leur montrer à quel point la situation avait dégénéré. J'étais effarée, une main sur la bouche. Je m'approchai d'eux, hésitante, et Yohann tourna son visage ensanglanté vers moi. Il se défit d'un geste sec de l'emprise de l'étudiant et s'approcha doucement de moi, le visage empli de haine.
- Je passerai demain pour prendre mes affaires. Ce sera la dernière fois que tu entendras parler de moi, Megan.
Il se tourna vers Luca et lui lança par-dessus son épaule le regard le plus mauvais que j'aie jamais vu, puis se retourna vers moi.
- Quel gâchis, lâcha-t-il finalement.
Il fit demi-tour et s'en alla, sans un mot de plus. Luca me regarda et son regard changea du tout au tout. Il se tourna vers le jeune homme qui le tenait toujours et lui fit signe qu'il pouvait le lâcher, puis s'avança vers moi avec une lenteur mesurée.
- Ca va, me demanda-t-il avec appréhension.
Incapable de répondre, je maintenais ma main sur ma bouche. Non ça n'allait pas, bien sûr que non. Un des étudiants s'approcha de moi et posa sa main sur mon épaule.
- Est-ce que ça va aller ? me demanda-t-il sincèrement pour savoir si je voulais ou non qu'il reste.
Je hochai faiblement la tête avec un sourire qui ne put convaincre personne et murmurai un merci d'une voix cassée. Avec un sourire compatissant, les trois jeunes partirent, me laissant seule face à Luca qui restait là, interdit, ne sachant pas bien comment agir. Sans un mot, je me dirigeai vers mon appartement et y entrai. Luca attendit un instant avant de me suivre et, quand il referma finalement la porte, un gémissement lui échappa. Me retournant vivement, je le regardait de haut en bas et pris réellement conscience de son état. Luca se tenait les côtes avec douleur, et son visage était tapissé de traînées de sang dues à des plaies ouvertes. Son ½il gauche était souligné d'une large ombre noire, et son T-Shirt était déchiré à plusieurs endroits. Son corps devait être couvert d'ecchymoses, et j'espérais qu'il n'avait rien de cassé.
- Megan, est-ce que ça va ? me demanda-t-il à nouveau, avec plus d'insistance, cette fois.
Lui jetant un regard qui se voulait agacé, je lui répondis :
- Ce n'est pas à moi, qu'il faut poser cette question. Viens, lui intimai-je cette fois avec plus de douceur.
M'avançant vers lui, je lui pris doucement la main et l'entraînai vers la salle de bains.
XD, Posté le dimanche 21 mars 2010 11:26
Rien à dire tellement ce nouveau chapitre nous tient en haleine jsqu'au bout ...
J' aime ton histoire encore et encore... =)
bravo !! et bonne continuation !